Page:Leo - Marie - la Lorraine.djvu/54

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gré eux ; vous disposez de l’avenir qui leur appartient ; vous prenez leur liberté, quand vous avez tout au plus le droit de disposer de la vôtre. Il y a là un mépris de la justice et du sens commun extraordinaire. La question qu’on vous pose est sur tous les points dépourvue de sens moral, et ce plébiscite qu’on vous demande n’est pas seulement une insulte à la liberté, c’est un absurde gâchis de toutes sortes de choses contraires ; c’est une bêtise vraiment impériale !…

Pour le coup, il n’y eut pas moyen d’en entendre davantage ; ce fut un tapage assourdissant, et le président retira la parole à l’orateur.

Alors montèrent à la tribune deux ou trois gros messieurs qui demandèrent pardon à Dieu et aux hommes des horreurs qu’avait débitées M. Cordier, et dont l’un même réclama qu’il fut arrêté sur l’heure. Pendant longtemps on n’entendit plus que chanter les louanges du gouvernement, et tout le monde croyait que c’était bien fini avec les rouges, quand l’on vit apparaître sur l’estrade devinez qui ?… Louis Brésy lui-même, le seul paysan qui eût osé monter là ! Il était bien un peu pâle ; mais il avait l’air résolu d’un soldat qui va au feu se disant : Je me ferai tuer peut-être, mais tant pis ! Il parla ainsi :

— Mes chers voisins et concitoyens, je ne sais pas parler comme dans les livres ; mais, comme je suis sûr d’avoir un bon avis à vous donner, voilà la chose en deux mots, vous excuserez.

Faisons une supposition : Vous avez une ferme au loin, que vous ne pouvez pas faire valoir vous-mêmes. Si l’on venait vous dire : Prenez un tel pour mettre là-bas à votre place ; vous ne le connaissez pas, c’est vrai, mais nous vous en disons tout le bien possible, et vous pouvez nous croire, car nous sommes payés pour ça… Vous trouveriez, pour commencer, la proposition un peu drôle, n’est-ce pas ?

ANDRÉ LÉO

(À suivre.)