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Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/129

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plus rouge encore, et tout en la remerciant il prit le verre d’une main que la fatigue sans doute faisait trembler un peu.

— Vous travaillez trop, lui dit la jeune fille. Nous vous en sommes bien obligés, Michel ; mais pourquoi ne pas vous reposer ?

— Oh ! ça ne me fait qu’un grand plaisir, mam’zelle Lucie. J’aurais mêmement voulu travailler ce soir, après l’ensemencement du champ qui se finira de bonne heure ; mais il me faut aller voir chez Gène comment ça va.

— Eh bien, Michel, vous me rapporterez des nouvelles. Dites à Gène que je n’ai pu aller près d’elle aujourd’hui, ma sœur étant malade. Combien je regrette de ne pouvoir les soulager l’une et l’autre en même temps !

— Oui, mam’zelle Lucie, je lui dirai ça et je vous rapporterai des nouvelles. Mais je ne saurais être de retour avant dix heures, comme hier.

Une seconde fois il devint pourpre.

— Je vous attendrai, dit Lucie.

Le soir, en effet, vers dix heures, la jeune fille veillait encore dans le salon, près d’une petite table, en cousant un tablier de coton pour sa mère. Les rideaux fermés de l’alcôve protégeaient le sommeil de M. et Mme Bertin. De temps en temps Lucie levait machinalement les yeux sur la fenêtre, car elle attendait avec anxiété des nouvelles de son amie. Bien que ce fût au rez-de-chaussée, les contrevents restaient ouverts, selon l’usage patriarcal de Chavagny. La clarté de la chandelle se reflétait sur les vitres ; il faisait noir dehors. Une fois, croyant entendre le grincement de la barrière d’entrée, Lucie regarda de nouveau la fenêtre et attendit. Mais aucun autre bruit ne succédant à celui-là, elle crut s’être trompée, et baissa la tête sur son ouvrage. La lumière dorait ses cheveux et son