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Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/151

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avec les coussins des voitures, arrangeait sous un saule des siéges commodes où s’assirent Mme Bourdon. Invitée d’y prendre place, Lucie déclara que l’herbe de la prairie lui semblait préférable, et que d’ailleurs elle ne s’assiérait guère. En effet, elle alla dans les bois cueillir des anémones et des jacinthes sauvages, et fit un énorme bouquet de belles tulipes tigrées qui croissaient en abondance dans la prairie. Elle aimait les fleurs comme la plus séduisante richesse de la nature, et elle aimait la nature comme une vieille amie. Petite fille vagabonde autrefois, ses plus frais souvenirs étaient épars le long des haies, sous les arbres, dans les bois, au creux des fontaines, et jusque dans les joncs de la rivière. Puis elle se plaisait peu en compagnie de sa tante et de sa cousine, et depuis ce qu’elle avait entendu touchant la petite Lisa, la société de M. Gavel lui répugnait. Il était cependant aimable et attentif pour sa future cousine, et souvent elle surprenait fixé sur elle son regard doux, brillant et fascinateur.

Mme Bourdon, elle aussi, regardait sa nièce et pinçait les lèvres, ce qui était significatif. Toutes les fois que cette ronde petite femme apercevait ou croyait voir les travers d’autrui, elle se rengorgeait et se repliait sur elle-même avec une intime satisfaction. Puis, un moment après, fort à propos, elle vous glissait dans l’oreille de bonnes grosses insinuations, qui, à la façon dont elle les disait, semblaient pourtant menues et délicates ; et son ton en même temps était si discret et si aimable, qu’il était impossible d’oser croire qu’elle n’eût pas raison.

— Il est bien heureux, observa-t elle en prenant son air le plus câlin et le plus nonchalant, que Lucie habite la campagne.

— Et pourquoi cela, maman ? demanda Aurélie, qui, dans ces occasions-là, donnait très-volontiers la réplique à sa mère.