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Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/171

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— Surtout, au nom de tout ce qu’il y a de plus sacré, pas un mot à Aurélie.

Pleine d’indignation, mais excessivement troublée, Lucie voulut se justifier. — Il a su me dire ces choses en termes convenables, et, si j’ai cru devoir les écouter, c’est par intérêt pour…

La femme de chambre qui entrait obligea Lucie de se taire. Elle attendit ; mais Mme Bourdon retint cette fille et se mit en devoir de s’habiller. Lucie revint chez elle, pleurant presque de honte et de colère, et se demandant par quel étrange revirement des choses elle était devenue coupable, et M. Gavel innocent.

La ballade était commencée. Les violons grinçaient à tour de bras et la foule grossissait à chaque instant. On voyait arriver des paysannes pimpantes, à califourchon sur des juments de charrette, leurs jupes bien retroussées, un long tablier d’étoffe pendant de chaque côté pour cacher leurs jambes, mais dérangé sans cesse par le trot du cheval. Le plancher du bal n’était autre que le sol bien balayé de la place publique. Il n’y avait point de siéges ni d’enceinte. Moyennant deux sous par contredanse, que chaque garçon donnait au violonneux, dansait qui voulait, après quoi l’on se reposait d’une jambe sur l’autre. Il y avait bien là des bois de charpente sur lesquels de temps en temps s’asseyaient quelques jeunes hommes avec des filles sur leurs genoux, comme cela se fait à la campagne, sans que personne y trouve à redire ; mais les filles n’y restaient guère, préférant voir la danse et surtout être vues, afin d’être invitées. Elles avaient presque toutes des fichus blancs de tulle ou de mousseline, découvrant le cou par derrière et chastement croisés sur la poitrine. Les coiffes les plus brodées étaient sorties de l’armoire ce jour-là, et les tabliers roses, bleus, blancs, violets, arboraient toutes les couleurs du printemps.