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Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/174

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— Ah ! ben, t’attendras longtemps.

— Ah ! çà, pourquoi que tu ne danses plus aux ballades ? Faut que tu sois ben innocente, va, de t’amuser comme ça à t’ennuyer. Allons, viens danser avec moi.

— Non, non, je ne veux pas, fit-elle en retirant sa main.

— Bah ! tu en grilles d’envie.

— Non, Michel, non pour sûr ; mais je danserai avec toi ce soir chez nous. Le bal y tiendra. Voudras-tu venir ?

— Je veux ben ; mais on étouffera dans ta chambre, tandis qu’ici on est tout à l’aise au grand air.

— Vous êtes ben patiente, mam’zelle chérie, dit Gorin en s’approchant. Envoyez-moi promener tout de suite cet affronteur-là.

— Oh ! oh ! dit Michel en le toisant des pieds à la tête, qu’est-ce qui vous fait rager comme ça, monsieur Gorin ? Êtes-vous pas encore sec ?

— Tiens, vous êtes fâchés tous deux ? demanda Chérie.

— Je peux bien te raconter ça, dit Michel, c’est…

— Des menteries, s’écria Gorin. Depuis que ce drôle-là est courtisé par les filles, il ne se connaît plus. Mais nous verrons ce qu’il dira quand je lui enverrai de l’écriture du juge.

À ce grand mot d’écriture du juge, plusieurs paysans se retournèrent ; on s’approcha les uns suivant les autres, tant qu’il y eut foule en un moment.

— Vrai, monsieur Gorin, dit Michel, de cet air bénin dont le paysan débite ses sarcasmes, j’aurais jamais cru que pour un coup d’eau nous finirions d’être amis ! Paraîtrait que vous portez pas l’eau si ben que le vin. Et cependant pour sûr vous en avez pas bu tant seulement un verre, quand je vous tenais délicatement entre les quatre doigts et le pouce, comme un lapin chéri.