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Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/228

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— Vous êtes bien bonne pour moi, mam’zelle Lucie, dit-il, et je ne sais pas comment vous remercier.

Mais son regard et l’accent de sa voix suppléaient aux paroles.

— C’est Gène à qui vous devez cela, répondit Lucie, qui raconta l’indiscrétion de la fille du maire et la démarche de son amie. Et maintenant, Michel, songez-y bien, faut-il vous cacher ?

Puisque vous n’êtes pas coupable, peut-être vaudrait-il mieux vous livrer hardiment. Car, en vérité, ce n’est pas dans un pays comme le nôtre qu’on peut échapper longtemps aux recherches.

— Il faut me cacher, mam’zelle Lucie, parce que, voyez-vous, quand je devrais me faire tuer, jamais un gendarme ne mettra la main sur moi. Non ! non ! Jamais ! Ça serait drôle qu’un homme de not’famille irait en prison et que ça fût moi ! Non ! non ! Je vous dis, ça ne sera pas !

Sur son visage pâle et dans ses yeux étincelants tant d’indignation, de résolution et d’audace éclataient, que Lucie trembla en pensant que Michel, s’il était découvert, pourrait, en effet, par une résistance acharnée, exposer sa vie, ou se compromettre gravement. Elle se rappela qu’aux yeux des paysans, la peine de la prison même préventive, imprime une tache infamante et ineffaçable, non-seulement sur l’individu, mais sur sa famille tout entière. Elle vit bien que Michel avait à cet égard le préjugé de sa race, et, pleine d’angoisse, elle s’écria :

— Ah ! comment faire ? Où vous cacher ?

— Dans quelque buisson bien épais jusqu’à ce soir, mam’zelle Lucie, après quoi, cette nuit, je gagnerai la forêt.

— La forêt ! à une lieue d’ici ! non ! c’est trop dangereux. Et quelle serait votre nourriture dans la forêt pen-