— Ah ! répondit-elle, si vous avez besoin de moi…
— Oui, oui ! c’est convenu ! merci !
— Michel, prenez bien garde !
— Il n’y a pas de danger. Vous savez, autrefois, quand je montais aux grands arbres vous chercher des nids. Si j’avais su, dans ce temps-là…
— Quoi donc ?
— Oh, rien ! une idée. On avait alors tant de bonheur ! On pouvait jouer ensemble toute la journée. Vous nous racontiez des contes, et je m’asseyais toujours auprès de vous. Je vous aidais à sauter les fossés ; je vous défendais contre la Chérie. Et quand nous jouions au ménage…
— Au ménage ! répéta-t-elle, ne se souvenant plus.
— Ah ! vous l’avez oublié. Il reprit en hésitant : Gène et Chérie ne voulaient pas d’Isidore, parce qu’il était le plus petit. Moi, je leur disais toujours : Tant pis, c’est mam’zelle Lucie qui sera ma femme. Et vous-même, la première, vous disiez aussi… Ah ! mon Dieu ! pourquoi est-ce que je vais penser à ça maintenant ?
La voix de Michel s’éteignit, et il appuya son front brûlant sur la fenêtre.
— Vous vous souvenez de ces enfantillages ? dit-elle avec effort.
— Oui, c’est des bêtises, n’est-ce pas ?
— Non, c’étaient de beaux jours, mais qui sont passés à jamais.
— Ah ! je le sais, dit-il en relevant la tête avec tristesse, mais avec résolution. À présent, il ne s’agit plus d’être heureux, mais d’être brave, d’être honnête. Je le veux ! mais que faire, mam’zelle Lucie ? Qu’est-ce qu’il y aurait de bon et de difficile à quoi l’on pourrait s’adonner ? Voyons ! Est-ce qu’un homme de bonne volonté pourrait entreprendre une chose bien utile, quand même il faudrait y laisser la vie ? Moi qui ne sais rien, dites-le-moi !