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Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/309

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Elles montèrent.

— Ne va pas nous faire noyer, au moins, dit Gène.

— Sois tranquille ! répondit-il en regardant avec ivresse Mlle Bertin, dont le joli visage, ombragé par son large chapeau, avait une expression adorable de joie mélancolique.

Le soleil jetait sur la surface de l’eau des milliers de paillettes, éclairant jusqu’au fond les découpures des sombres algues ; les joncs qui se renversaient au passage du bateau brisaient leurs lignes mouvantes dans l’eau ; la chevelure fleurie des prés ondoyait au vent, et la rivière, là-bas, éclatait comme une nappe de vermeil liquide. Plus loin, au moulin des Gouffrières, la roue brune et l’onde argentée miroitaient fantastiquement sous l’horizon boisé du coteau.

Pendant que les jeunes filles cueillaient les nénuphars, debout à la pointe du bateau, appuyé sur la longue perche comme sur un sceptre, le front rayonnant, les yeux charmés, la bouche entr’ouverte par un sourire, Michel, enivré par ce spectacle et par la présence de Lucie, représentait bien, dans ce cadre splendide, l’homme roi de la nature, abrégé de la pensée et de l’amour. De temps en temps Lucie levait sur lui son regard timide, promptement abaissé. Gène, sérieuse, les regardait tour à tour.

Après qu’elles eurent jonché le fond du bateau des tiges rondes et flexibles du nénuphar, tandis que les fleurs pâlissantes repliaient leurs pétales, Michel fit voguer le bateau plus rapidement.

— Où nous menez-vous, Michel ?

— Où vous voudrez.

— On irait loin ainsi ! reprit-elle en trainant dans l’eau le bout de ses doigts roses. Que tu es heureuse, Gène, d’habiter ici ! Moi, je ne ferais pas de plus beau