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Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/310

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rêve que d’avoir une petite maison dans ces prés, un bateau, quelques saules, une vache et de beaux canards.

— Et qui soignerait la vache ? observa Gène. Il vous faudrait un domestique, ou bien un mari ; mais votre mari, mam’zelle Lucie, ne voudrait pas soigner la vache.

— Il aurait tort, dit Lucie. Moi, je soignerais bien les canards.

— Oh ! je voudrais voir la mine que vous feriez en le regardant remuer avec sa fourche le fumier dans l’écurie !

— C’est un des soins les plus désagréables, reprit Mlle Bertin ; mais, comme il est nécessaire, je trouve que les hommes sont fous d’y attacher quelque chose d’humiliant. L’état de paysan est un des plus beaux de la terre. S’il faut toucher du fumier, ne vit-on pas aussi au milieu des fleurs et de toutes les belles choses de la nature ? Mais parce que les paysans n’estiment pas assez leur état, ils se négligent trop eux-mêmes. Avec beaucoup de soin et de propreté, ce qui n’entraîne pas une grande dépense, le mari que tu me supposes, Gène, pourrait soigner la vache et ne point sentir le fumier.

Attentif aux paroles de la jeune fille, Michel oubliait de retirer la perche ; le bateau n’allait plus.

— Mais je n’ai point de mari, ajouta Lucie en souriant, je suis seule dans la maisonnette, et je vois bien qu’il me faut renoncer à la belle vache que je voyais déjà paître dans ces prés.

— Engagez-moi pour domestique, mam’zelle Lucie ! dit Michel qui se remit à ramer brusquement.

— Non, répondit-elle, en cherchant à cacher sa rougeur sous un sourire, je préférerais Cadet, parce qu’il s’ennuierait moins ici qu’à Poitiers.

Ceci mettait Gène en cause. Elle répondit :