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Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/347

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Lucie maintenant était seule dans sa chambre. Depuis que la maladie de Clarisse avait pris plus d’intensité, on avait dressé pour elle un lit au rez-de-chaussée, dans la salle où, quelquefois, le jour, elle s’étendait tout habillée, quand elle souffrait trop des épaules et des reins.

Ce n’était pas une méditation sur le fond même des choses qui occupait ainsi la jeune fille. La vérité l’avait frappée comme un éclair.

En écoutant Isabelle de Parmaillan elle s’était dit : Malgré leur bagage de religion et de philosophie, les hommes n’ont encore eu qu’un seul vrai Dieu, l’orgueil, père tout-puissant, qui tient le globe dans sa droite, et qu’ils ont habillé d’étoiles, pour le parer comme eux. De même qu’autrefois, ils font encore à ce Dieu des sacrifices humains, et les victimes fanatiques s’offrent d’elles-mêmes au supplice.

Elle s’était dit encore en chemin, pendant qu’au soleil couchant la cime des arbres resplendissait, et qu’émaillée d’or, chaque feuille se détachait magique sur le fond du ciel ; tandis que les nuages blancs et floconneux dormaient dans l’azur, et que cet admirable palais de l’homme, lumineux comme la pensée, bleu comme l’idéal, riche comme l’infini, enivrant comme la beauté, reluisait dans toute sa gloire, elle s’était dit encore : J’ai vingt ans, j’aime, je suis aimée, la vie m’entoure et me remplit, quelque chose dans mon cœur tressaille à la voix des petits enfants : C’est l’amour qui est le vrai Dieu !

Exaltée par ce nouveau culte, plus pur et plus puissant, elle se livra d’abord à des joies ferventes et palpita d’espérance devant la porte de ces grands mystères de la vie, qu’elle avait crue fermée sur elle à jamais. La figure expressive de Michel, transfiguré par le bonheur, lui apparut, et derrière celle-ci, dans un fond lointain, d’autres figures vaporeuses et souriantes, enfants du rêve.