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Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/357

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Alors Lucie déboucha la dernière bouteille de vin rouge qui restait pour Clarisse, et mettant un verre devant la paysanne, elle versa lentement… jusqu’au moment où la mère Jeanne, qui faisait semblant de n’y pas regarder, se retournant enfin, s’écria :

— Eh, mam’zelle, bon Dieu ! comme vous y allez !

Mais le verre était plein.

— À vot’santé, m’ame Bertin et la compagnie !

— À votre santé, mère Jeanne ! répéta Mme Bertin, qui murmurait en elle-même : Grand bien lui fasse ! mais c’est la santé de ma pauvre fille qu’elle me boit là. Clarisse aurait eu de ce verre pour toute la journée.

— Heum ! c’est du bon ! dit la vieille en posant le verre.

— Je crois bien ! répondit Mme Bertin avec amertume. Et tandis qu’elle adressait à la mère Jeanne un banal sourire, elle disait mentalement :

— Il faut que cette vieille se grise dans la cave de son maître pour avaler si bien un verre de vin !

Quand la Jeanne fut partie.

— Décidément, dit Mme Bertin, M. Gorin a des intentions.

— Est-il possible ? répondit Lucie. Nous ne nous attendions guère à cet affront-là. Tu te trompes, maman. Ce doit être quelque autre chose. Je le crois incapable de s’attaquer à une fille sans dot.

— Tu le juges peut-être mal, reprit Mme Bertin. Il ne faut pas être si dédaigneuse, ma pauvre Lucie. La fierté n’a jamais nourri personne. Après tout, il est d’une bonne famille.

— Ce qui ne l’empêche pas, maman, d’être mauvais et grossier.

— Il est d’une bonne famille, c’est vrai, dit Clarisse, mais il manque d’éducation.

— Mais il possède une soixantaine de mille francs