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Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/366

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— Tu ferais mieux de t’en retourner chez toi, dit l’un.

— Par ma foi, je détalerais vite, ajouta l’autre.

— Non, dit Michel, je dois finir ma journée. Si M. Bourdon veut que je m’en aille, il me le fera dire, mais il me paiera ma journée entière auparavant.

— Est-il crâne ! reprit un des paysans. Ma foi, c’est comme ça qu’il faut faire, et moi je veux…

Il s’arrêta tout court en apercevant Lucie. Michel fit un pas vers la jeune fille.

— Vous les avez quittés ! lui dit-il avec des yeux rayonnants de joie ; vous n’avez pas voulu leur entendre dire du mal de moi ?

— Non, Michel, répondit-elle en lui serrant la main.

Les paysans regardaient ébahis.

— Vous êtes vraiment fort ! continua-t-elle en le regardant avec attendrissement. Vous valez mieux que moi !

— Ah mam’zelle Lucie ! s’écria-t-il avec protestation.

Gênée par les témoins qui l’entouraient, elle fit de la main un geste affirmatif, lui sourit et s’éloigna.

Elle se tint dans les jardins jusqu’au retour des promeneurs. Le dîner fut triste, ainsi que la soirée. On ne parla plus de l’incident et l’on s’efforçait d’être gai ; mais le souvenir de l’affront planait au-dessus de la fête et se lisait dans tous les yeux. Préoccupée comme les autres, Lucie l’était bien différemment. Ses yeux brillaient, et un beau sourire éclatait sur son visage.

— Qu’as-tu donc ? lui dit sa mère, un instant avant le dîner ; on dirait que tu viens de recevoir une bonne nouvelle. N’oublie pas ce que je t’ai dit pour les gâteaux.

À partir de ce moment, plus d’incertitude, plus d’hésitation, plus d’angoisses pour Lucie. Michel est assez noble et assez fort pour qu’elle se donne à lui sans honte et sans crainte. Maintenant, sa confiance est entière, elle bravera l’opinion. Elle sait bien qu’il faudra souffrir,