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Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/370

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La voix de la jeune fille était profondément émue. Michel s’écria :

— Vous me récompensez trop ! Ce que j’ai fait ne vaut pas ce que vous me dites, chère mam’zelle Lucie. Comment aurais-je pu lui donner la main ? Un homme que j’ai vu se sauver en abandonnant une pauvre fille aux injures et aux coups ! Non, ça ne se pouvait pas. C’était bien simple, mam’zelle Lucie.

— Vous ne voulez donc pas de mes éloges et de mon admiration ? dit-elle.

— Oh si ! j’en veux ! Je ne demanderais que d’avoir tous les jours une chose bien grande et bien difficile à faire pour que vous me parliez tous les jours comme à présent.

— Que vous êtes ambitieux, Michel ! Et que vous êtes enfant ! ajouta-t-elle en se penchant vers lui. Cette estime et cette affection que j’ai pour vous, n’est-ce pas maintenant pour toute la vie ?

— Ah ! mam’zelle Lucie ! s’écria-t-il en se levant, et après avoir fait quelques pas avec agitation, il alla s’asseoir sur l’autre banc vis-à-vis d’elle. Je ne vous réponds quasiment rien, reprit-il, pour tout ce que vous me dites. C’est pas de l’ingratitude, allez, c’est que mon cœur m’étouffe au contraire. Le plus grand bonheur que je puisse avoir, vous me le donnez.

— Le plus grand ! répéta-t-elle d’une voix tremblante ; vous devez attendre bien plus… dans la vie.

— Non, rien de plus ! répondit-il.

Lucie n’osa répliquer. Elle était trop chaste et trop aimante pour savoir être coquette, bien qu’elle en eût la meilleure volonté. Ils se mirent donc à causer de choses indifférentes, avec beaucoup d’émotion ; assis en face l’un de l’autre, ils se penchaient, parlant à demi-voix, et quand leurs cheveux s’effleurèrent, Lucie fut la plus prompte à se retirer.