Aller au contenu

Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/379

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— C’est vrai ! dit la pauvre enfant d’une voix éteinte, mais courageuse, et si je l’aime, c’est qu’il est digne d’être aimé.

— Au nom du ciel ! tais-toi ! tais-toi ! répétait la mère. Malheureuse !

Par un violent effort, M. Bertin recula jusqu’à l’autre bout de la chambre pour ne point frapper sa fille, et presque aussitôt, poussant une nouvelle exclamation de fureur, il s’élança hors de la maison.

Lucie retrouva des forces pour courir après lui.

Elle ne s’était pas trompée : M. Bertin allait au jardin avec l’espoir d’y surprendre Michel. Quand elle arriva au milieu de l’allée, son père entrait déjà dans le bosquet, mais elle vit tout de suite à son attitude qu’il y était seul, et elle respira.

— Que viens-tu faire ici ? cria-t-il en la voyant. Viens-tu le chercher sous mes yeux ? Qu’il ose remettre les pieds chez moi, cet effronté coquin ! Je viendrai tous les soirs ici faire ma ronde avec mon fusil ! Et ce passage de la haie sera fermé dès demain ! Qu’il y vienne ! répétait-il en montrant le poing du côté de chez la Françoise, qu’il y vienne, ce beau Michel !

Lucie ne répondit rien. Il fallait que ce paroxysme s’épuisât de lui-même. Elle revint sur ses pas, et, rencontrant sa mère, elle se jeta dans ses bras. Mais, rassurée maintenant sur tes effets de la colère paternelle, sa mère la repoussa.

— Tu veux devenir notre honte, dit-elle, toi qui étais notre orgueil. Laisse-moi, tu n’es plus ma fille, puisque tu mens au sang que je t’ai donné.

La pauvre enfant se traîna dans sa chambre, l’âme et le corps brisés. Voilà, se disait-elle, voilà le commencement des tortures ! et par moments le courage et l’espoir l’abandonnaient, au début de cette voie douloureuse.