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Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/433

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cheval, nous n’arriverons pas avant dix heures du soir. Donc, pas moyen de le porter à l’hôpital qu’au matin. Après ça, il faudra qu’ils l’envoient à la campagne, peut-être aussi loin ! Comment voulez-vous qu’un enfant si jeune puisse tenir à ça ?

— Oh ! c’est affreux ! c’est affreux ! s’écria Mme Delbès. Mais, j’y pense, ma bonne femme, montez sur le siége avec mon cocher. Nous serons à Poitiers dans trois heures. Eh bien, c’est fort simple ! Pourquoi me regardez-vous ainsi ?

L’Olivette, en effet, semblait confuse et troublée.

— Ça ne se peut pas ! ça ne se peut pas, répondit-elle,

— Pourquoi donc ? Mademoiselle Lucie, comme vous êtes pâle ! Tout ceci vous émeut bien fortement ? Vous êtes bonne ! ajouta Mme Delbès en pressant la main de la jeune fille.

L’âge de l’enfant, ses traits, l’émotion de la sage-femme, tout agitait Lucie d’un horrible soupçon. En même temps, le cri que l’humanité souffrante et abandonnée jetait par la bouche de ce petit enfant lui déchirait les entrailles. Elle ne savait que répondre à Mme Delbès ; elle trouvait la sage-femme prudente, mais bien cruelle, de sacrifier aux convenances la vie de ce pauvre enfant. Pendant ce temps arrivaient le jeune couple et les deux mères. Un observateur de sang-froid eût admiré la figure du vieux Bourguignon, épanouie sous son bonnet de coton d’une curiosité maligne, tandis qu’il se penchait pour mieux voir, tout en feignant de raccommoder encore son harnais, déjà rajusté.

— Maman, dit la jeune femme en allant au-devant de Mme Gavel, et vous, ma chère Aurélie, voyez ce pauvre bel enfant qu’on porte à l’hospice dans cette carriole. Un si long voyage peut le tuer. Il crie, il souffre déjà. N’est-ce pas que j’ai raison de vouloir l’emmener avec nous ?