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Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/444

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Cependant, quelques minutes après, le cou tendu l’une vers l’autre, et parlant à voix basse, elles s’entretenaient des détails de l’escalade, et peut-être s’engagèrent-elles jusque dans les probabilités et conséquences ; car de temps en temps elles détournaient la tête d’un air pudique en joignant les mains, et l’on vit plusieurs fois Mlle Boc se voiler la face. Mais elle ne laissa point partir la Touron sans que celle-ci eût fait le serment de ne rien répéter de ces horribles choses. Seigneur Jésus ! — car ça ferait croire à la fin du monde, voyez-vous.

Lucie refusa d’aller à Poitiers. Cela souleva contre elle une nouvelle tempête, et M. Bertin déclara, en faisant trembler les vitres, qu’il ne souffrirait pas ces simagrées, et que si elle ne voulait pas profiter des bienfaits de M. Bourdon pour aller dans le monde, elle en profiterait pour aller au couvent, où il la fourrerait lui-même bon gré malgré. Après tout, ces repaires-là pouvaient avoir du bon dans certains cas.

Mme Bertin entreprit de prouver à Lucie qu’elle devait faire violence à ses goûts de retraite pour aller briller dans le monde, où l’appelait son rang :

— Michel, quoiqu’un honnête garçon, n’est pas fait pour prétendre à toi, ma fille. Il n’y a que les pastorales où de pareilles amours soient supportables ; mais il ne faut pas prendre ces histoires-là au sérieux. Tu verras, Lucie, quand des jeunes gens de famille brigueront tes regards, comme tu renonceras à la folie ! Songe, ma fille, combien il sera doux pour toi de relever la famille, par un beau mariage, de l’abaissement où elle est tombée. Ta sœur pourrait être sauvée par de meilleurs soins peut-être, et plus tard tu pourrais lui procurer un parti convenable, un homme mûr et sage, distingué par ses connaissances, et qui après de certains malheurs serait bien aise d’embellir sa vieillesse par le choix d’une compagne