Aller au contenu

Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/451

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

j’ai obtenu qu’on m’y laissât seule, en disant de venir me chercher seulement une heure après. Aussitôt le départ de Victorine, je me suis hâtée de sortir de l’église, mais qu’ai-je trouvé sur l’escalier ? Mlle Boissot-Laribière qui montait accompagnée de sa domestique. Elle m’a plaisantée sur ma solitude et sur le trouble de ma contenance ; j’ai préféré lui dire où j’allais, et pourquoi, afin qu’elle me gardât le secret. Alors elle a poussé la complaisance jusqu’à m’accompagner. La vue de cet hôpital serre le cœur, et tous ces enfants sans mère, hâves, moroses, tristes ou effrontés, font un mal horrible à voir. Quand la supérieure m’a dit d’une voix sèche : Louis Fernand, entré à l’hospice le 23 septembre, âgé de trois jours, mort un mois après chez sa nourrice, maman, je n’ai pu m’empêcher de pleurer. La supérieure m’a regardée d’un air très-soupçonneux, et m’a dit qu’il ne fallait pas regretter les enfants du vice, qu’il serait à désirer au contraire que Dieu les appelât tous à lui. Et moi, je disais en sortant à Mlle Amélie, qu’il serait plus humain peut-être d’étouffer ces pauvres enfants dès leur naissance que de les livrer ainsi à des êtres dépourvus d’humanité.

« Nous avons causé très-sérieusement dans le trajet de l’hôpital à l’église, et Mlle Amélie m’a parlé du monde avec une haine si vive que je n’ai pu m’empêcher de lui dire qu’elle était ingrate envers lui. — Parce qu’il m’accable de compliments ? a-t-elle répondu. Je l’amuse, et il est assez bon pour aimer cela !… Certes, je lui dois une grande reconnaissance !

« Arrivée dans l’église, alors elle s’est jetée sur un prie-Dieu, la tête dans ses mains, et il m’a semblé qu’elle pleurait. Tu vois, chère maman, que le monde est loin de donner du bonheur, même à ceux qu’il admire.

« Je relis ma lettre, et m’aperçois que j’ai fait un oubli qui vous semblerait impardonnable. Je n’ai manqué au