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Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/470

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Dix minutes après, Michel revenait précédant M. Jaccarty.

La première personne qu’il rencontra dans le salon fut M. Bertin. Il demanda en tremblant :

Mlle Clarisse va-t-elle mieux ?

— Oui, mon garçon, répondit le père de Lucie, elle a repris connaissance. Je te remercie bien.

Et comme M. Bertin n’avait jamais de mesure, ni dans ses colères, ni dans ses retours, il offrit une chaise à Michel. Michel s’assit trois minutes, parla de Clarisse, écouta les doléances de M. Bertin et s’en alla discrètement. Depuis ce moment, il eut retrouvé le privilège d’échanger un bonjour avec M. Bertin quand ils se rencontraient ; même quelquefois il osait l’arrêter pour s’informer de Clarisse.

Décidément elle se mourait, et elle se mourait désespérée. Chaque jour, elle exigeait la visite de M. Jaccarty et le forçait d’ordonner quelque chose. Puis c’étaient d’effrénés désirs de telle ou telle friandise, ou même de quelque vêtement, dont elle se parerait aussitôt qu’elle serait guérie. On dut louer à Poitiers pour elle des romans qu’elle dévorait dans ses longues insomnies, et qui la faisaient beaucoup pleurer. Cependant un jour Mme Bertin et Lucie se virent complètement à bout de ressources et d’expédients ; et à l’idée de refuser quelque soulagement à sa fille mourante, la pauvre mère se tordait les mains de désespoir.

L’occasion ne tarda guère. Au sortir d’un léger sommeil, Clarisse s’éveilla.

— Ah ! dit-elle, pourquoi me suis-je éveillée ? Je faisais un rêve si agréable ! J’avais de belles oranges mûres, plein mon tablier. J’en mangeais avec plaisir, et je sentais leur suc rafraîchir ma poitrine. À présent, je souffre d’une soif ardente, et ces beaux fruits sont bien loin de