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Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/486

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lui ; est-il donc rien de plus désirable qu’une union fondée à la fois sur une profonde estime et sur un grand amour ?

— Assurément ! dit Mme Bertin. On ne peut pas dire le contraire. Mais tu sais, ma chère fille, combien ce sujet nous est pénible. Nos chagrins sont assez cruels…

— Maman, vous refusez l’affection du meilleur des hommes qui les adoucirait. Est-ce donc parce qu’il n’est pas riche ? Mais nous aussi nous sommes pauvres, et avec lui nous pourrions être dans l’aisance.

— Tu vas nous chanter une fois de plus que le bonheur n’est pas dans la fortune, répliqua M. Bertin : on le sait, et c’est assez dit. Ta cousine, d’ailleurs, en est un bel exemple. Le fait est que les qualités morales sont les plus précieuses de toutes, et que s’il fallait choisir pour toi entre un Gavel et un Michel, je n’hésiterais pas à prendre celui-ci. Mais tu sais que je veux être un bon père pour toi, Lucie, ne nous casse donc plus la tête de ces idées-là, car tu me ferais sortir des gonds.

— Alors c’est à cette folie de la naissance, reprit Lucie, que vous sacrifiez la raison et mon bonheur ! Toi, mon père, qui railles si amèrement l’orgueil des nobles et le traites d’insensé !

— As-tu fini ? s’écria-t-il en jurant. Et, se levant, il empoigna des deux mains le dossier de sa chaise : Les hommes sont égaux depuis Adam, parbleu ! c’est une chose sûre. Toutes les familles ont commencé par quelque artisan, et, quand même on le serait encore, il n’y a rien que d’honorable dans un bon métier. Tout ça, c’est clair comme le jour, et personne ne s’avise de dire le contraire. Seulement, Lucie, tu es une mauvaise fille de chagriner ainsi ta mère, et de vouloir nous faire mourir de honte, elle et moi.

Désespérée enfin par cette opposition insaisissable, la pauvre enfant s’écria :