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Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/87

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mais deux larmes qui roulaient sur ses joues en achevèrent le sens. Il s’éloigna vivement, le sécateur à la main, tandis que sa femme lui criait : — Fortuné, où vas-tu donc ?

— Là-bas, couper des branches dont j’ai besoin, répondit le pauvre homme d’une voix rauque. Et, passant par une trouée de la haie, il disparut dans le pré.

— Ton père est toujours le même, il ne s’occupe de rien, dit Mme Bertin à sa fille. Je ne sais pourtant où donner de la tête, moi. M. Jaccarty sort de la maison. Il trouve que Clarisse a besoin de soins, de grands soins, m’a-t-il dit. Hélas ! ta sœur est sans doute plus malade que nous ne croyons. Il faut encore du sirop de Lamouroux et de l’onguent stibié. Que faire, Lucie ? nous n’avons pas d’argent ! Quatre francs suffiraient pour le moment, quoique bientôt après il faudra quelque autre chose. Enfin, nous n’avons pas même ces quatre francs. Je n’ai rien trouvé dans le tiroir, et je sais bien que ton père ne cache pas l’argent.

— Heureusement, j’ai cinq francs, moi, dit Lucie.

— Ah ! ma pauvre enfant, le prix des broderies que tu fais vendre à Poitiers. Je ne voudrais pas toucher à cela ; tu as besoin de tant de choses. Il le faut des souliers ; si nous trouvions un autre moyen.

— Je te les prêterai seulement, si tu veux.

— Oui, mais comment ferai-je pour te les rendre ? Ah ! ma chère Lucie, la vie est une rude épreuve, et si dans cette vallée de larmes la vertu ne nous soutenait pas… Vois-tu, il y a des moments où je cherche avec tant d’ardeur le moyen d’avoir un peu d’argent, que je vendrais pour cela de mon sang ou de mes années, si cela se pouvait !

— Maman, il y aurait des moyens très-simples, mais dont tu ne veux pas. En faisant comme les gens d’ici qui vivent très à l’aise avec aussi peu de terre que nous…