Page:Leo - Une vieille fille.pdf/36

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jusqu’alors inflexibles, et une grâce pénétrante qu’il n’aurait jamais soupçonnée dans une personne si froide qu’elle en paraissait revêche. Évidemment, elle voulait le mettre à l’aise ; mais évidemment aussi elle ne faisait pour cela aucun effort et se laissait aller à son naturel. Au dessert, elle demanda à son convive :

— Seriez-vous orphelin M. Schæffer ?

— Je le suis de fait, répondit-il. J’ai perdu ma mère quand j’étais encore enfant, et une marâtre m’a privé de l’affection paternelle. Mon père est agriculteur dans le canton d’Appenzell. Son intention était de me vouer aux travaux de la ferme. Je lui aidais de bon cœur ; mais une passion irrésistible m’entraînait vers l’étude, et je m’enfuyais souvent avec un livre dans la forêt. La nuit, je lisais encore à la clarté de la lune, ou bien je m’éclairais d’informes chandelles que je faisais moi-même avec la résine des sapins. À cause de cela, mon père me maltraitait ; sa femme suivait son exemple, et mon cœur se