Page:Leon Wieger Taoisme.djvu/472

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matériel, sont fantasmagorie. Les termes vie et mort, désignent la genèse initiale d’un être par l’action de la vertu génératrice, et sa transformation finale par l’influence des agents naturels. La succession de ces genèses, de ces transformations, quand le nombre est plein, sous l’influence du moteur universel, voilà la fantasmagorie. Le Principe premier des êtres, est trop mystérieux, trop profond, pour pouvoir être sondé. Nous ne pouvons étudier que le devenir et le cesser corporel, qui sont visibles et manifestes. Comprendre que l’évolution cosmique consiste pratiquement dans la succession des deux états de vie et de mort, voilà la clef de l’intelligence de la fantasmagorie. Nous sommes sujets à cette vicissitude, toi et moi, et pouvons constater ses effets en nous-mêmes. — Cette instruction reçue, Lao-Tch’eng-tzeu retourna chez lui, la médita durant trois mois, et trouva le secret du mystère, si bien qu’il devint maître de la vie et de la mort, put à volonté modifier les saisons, produisit des orages en hiver et de la glace en été, changea des volatiles en quadrupèdes et réciproquement. Il n’enseigna à personne la formule, que personne n’a retrouvée depuis, D’ailleurs, dit Lie-tzeu, pour qui posséderait la science des transformations, mieux vaudrait la garder secrète, mieux vaudrait ne pas s’en servir. Les anciens Souverains ne durent pas leur célébrité à des déploiements extraordinaires de science ou de courage. On leur sut gré d’avoir agi pour le bien de l’humanité sans ostentation.

C. L’application de l’esprit a huit effets, savoir : la délibération, l’action, le succès, l’insuccès, la tristesse, la joie, la vie, la mort ; tout cela tient au corps. L’abstraction de l’esprit a six causes, savoir : la volonté, l’aversion, la pensée intense, le sommeil, le ravissement, la terreur ; tout cela tient à l’esprit[1]. Ceux qui ne savent pas l’origine naturelle des émotions, se préoccupent de sa cause, quand ils en ont éprouvé quelqu’une. Ceux qui savent que l’origine des émotions est naturelle, ne s’en préoccupent plus, puisqu’ils en savent la cause. Tout, dans le corps d’un être, plénitude et vacuité, dépense et augment, tout est en harmonie, en équilibre, avec l’état du ciel et de la terre, avec l’ensemble des êtres qui peuplent le cosmos. Une prédominance du yinn, fait qu’on rêve de passer l’eau à gué, avec sensation de fraîcheur. Une prédominance du yang, fait qu’on rêve de traverser le feu, avec sensation de brûlure. Un excès simultané de yinn et de yang, fait qu’on rêve de périls et de hasards, avec espoir et crainte. Dans l’état de satiété, on rêve qu’on donne ; dans l’état de jeûne, on rêve qu’on prend. Les esprits légers rêvent qu’ils s’élèvent dans l’air, les esprits graves rêvent qu’ils s’enfoncent dans l’eau. Se coucher ceint d’une ceinture, fait qu’on rêve de serpents ; la vue d’oiseaux qui emportent des crins, fait qu’on rêve de voler. Avant un deuil, on rêve de feu ; avant une maladie, on rêve de manger. Après avoir beaucoup bu, on fait des rêves tristes ; après avoir trop dansé, on pleure en rêve. — Lie-tzeu dit : Le rêve, c’est une rencontre faite par l’esprit ; la réalité (perception objective), c’est un contact avec le corps. Les pensées diurnes, les rêves nocturnes, sont également des impressions. Aussi ceux dont l’esprit est solide, pensent et rêvent peu, et attachent peu d’importance à leurs pensées et à leurs rêves. Ils savent que, et la pensée et le rêve, n’ont pas la réalité qui paraît, mais sont des reflets de la fantasmagorie cosmique.

  1. Comparer le Rituel des Tcheou, livre 24.