Page:Leon Wieger Taoisme.djvu/500

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F. Le grand U dit : Dans les six régions, entre les quatre mers, éclairés par le soleil et la lune, réglés par le cours des astres, ordonnés par la succession des saisons, régis par le cycle duodénaire de Jupiter, les êtres vivent dans un ordre que le Sage peut pénétrer. — Hia-ko dit : D’autres êtres vivent dans d’autres conditions dont le Sage n’a pas la clef. Exemple : Alors que le grand U canalisait les eaux pour assécher les terres, il s’égara, contourna la mer du nord, et arriva, très loin, tout au septentrion, dans un pays sans vent ni pluie, sans animaux ni végétaux d’aucune sorte, un haut plateau bordé de falaises abruptes, avec une montagne conique au centre. D’un trou sans fond, au sommet du cône, jaillit une eau d’une odeur épicée et d’un goût vineux, qui coule en quatre ruisseaux jusqu’au bas de la montagne, et arrose tout le pays. La région est très salubre, ses habitants sont doux et simples. Tous habitent en commun, sans distinction d’âge ni de sexe, sans chefs, sans familles. Ils ne cultivent pas la terre, et ne s’habillent pas. Très nombreux, ces hommes ne connaissent pas les joies de la jeunesse, ni les tristesses de la vieillesse. Ils aiment la musique, et chantent ensemble tout le long du jour. Ils apaisent leur faim en buvant de l’eau du geyser merveilleux, et réparent leurs forces par un bain dans ces mêmes eaux. Ils vivent ainsi tous exactement cent ans, et meurent sans avoir jamais été malades. Jadis, dans sa randonnée vers le Nord, l’empereur Mou des Tcheou visita ce pays, et y resta trois ans. Quand il en fut revenu, le souvenir qu’il en conservait, lui fit trouver insipides son empire, son palais, ses festins, ses femmes, et le reste. Au bout de peu de mois, il quitta tout pour y retourner. Koan-tchoung étant ministre du duc Hoan de Ts’i, l’avait presque décidé à conquérir ce pays. Mais Hien-p’eng ayant blâmé le duc de ce qu’il abandonnait Ts’i, si vaste, si peuplé, si civilisé, si beau, si riche, pour exposer ses soldats à la mort et ses feudataires à la tentation de déserter, et tout cela pour une lubie d’un vieillard, le duc Hoan renonça à l’entreprise, et redit à Koan-tchoung les paroles de Hien-p’eng. Koan-tchoung dit : Hien-p’eng n’est pas à la hauteur de mes conceptions. Il est si entiché de Ts’i, qu’il ne voit rien au-delà. — Les hommes du midi coupent leurs cheveux ras et vont nus ; ceux du nord s’enveloppent la tête et le corps de fourrures ; les Chinois se coiffent et s’habillent. Dans chaque pays, selon ses circonstances particulières et selon ses conditions naturelles, les habitants ont imaginé le meilleur, en fait de culture, de commerce, de pêche, de vêtements, de moyens de communication, etc. — Sans