Page:Leon Wieger Taoisme.djvu/552

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difficile, et seul un souverain sage y réussit. Ts’i, Tch’ou, Ou et Ue, ont remporté bien des victoires, sans rien conserver de l’avantage acquis. Seul un prince imbu de sages doctrines, conservera ce qu’il a conquis. C’est la sagesse qui agrandit, ce n’est pas la force. ... Confucius était si fort, qu’il pouvait enlever à lui seul l’énorme barre qui fermait la porte de la capitale de Lou, mais il ne fit jamais montre de sa force. Mei-ti très entendu à construire des machines de guerre défensives et offensives, ne se fit jamais gloire de ce talent. C’est en s’effaçant, qu’on conserve le mieux ce que l’on a acquis.

J. Un homme de Song pratiquait l’humanité et la justice. Il en était ainsi, dans sa famille, depuis trois générations. — Un jour, sans qu’on pût en découvrir la cause, sa vache noire mit bas un veau tout blanc. Notre homme envoya demander à Confucius ce que ce phénomène présageait. — C’est faste, dit Confucius ; ce veau doit être sacrifié au Souverain d’en haut. — Au bout d’un an, sans cause connue, le père de famille devint aveugle. Peu après, sa vache noire mit bas un second veau tout blanc. Le père envoya de nouveau son fils demander a Confucius ce que cela lui présageait. Le fils dit : après la consultation précédente, vous avez perdu la vue ; a quoi bon recommencer ? ... Vas-y ! dit le père. Les paroles des Sages paraissent parfois contraires, mais elles se vérifient en leur temps. Croyons que le temps n’est pas encore venu. Vas-y ! — Le fils interrogea donc Confucius, qui dit encore : c’est faste, offrez-le encore au Souverain d’en haut. ... Le fils rapporta la réponse au père, qui lui ordonna de l’exécuter. — Un an après, le fils aussi devint aveugle. Or soudain ceux de Tch’ou envahirent le pays de Song et assiégèrent sa capitale. La famine devint telle, que les familles échangeaient leurs enfants pour les manger, et broyaient les ossements des morts pour en faire une sorte d’aliment. Tous les hommes valides durent défendre le rempart. Il en périt plus de la moitié. Dans cette extrémité, les deux aveugles étant incapables de rendre aucun service, furent exemptés de toute charge. Quand le siège fut levé, soudain ils recouvrèrent la vue. Le destin les avait fait devenir aveugles, pour leur salut.

K. A Song, un aventurier demanda à montrer son savoir-faire au prince Yuan. En ayant obtenu la permission, il se mit à marcher sur deux échasses plus hautes que son corps, en jonglant avec sept épées, dont cinq volaient dans l’air, pendant que ses mains recevaient ou lançaient les deux autres. Plein d’admiration pour son adresse, le prince Yuan ordonna qu’on le récompensât libéralement. — Un autre aventurier l’ayant appris, se présenta aussi pour égayer le prince. Celui-ci s’offensa de sa demande. Ce gaillard-là, ne vient que parce que j’ai bien traité le précédent. ... et il le fit emprisonner et maltraiter durant un mois[1].

L. Le duc Mou de Ts’inn[2] dit à Pai-Yao son pourvoyeur de chevaux : Vous vous faites vieux. Avez-vous un fils ou un autre parent qui puisse vous remplacer dans votre charge ? — Pai-Yao dit : un bon cheval se reconnaît par l’examen des os et des tendons, et mes fils seraient capables de cela. Mais reconnaître un cheval digne du prince, c’est plus difficile, et mes fils n’en

  1. Comparez ci-dessus E. Même talent, pas le même temps.
  2. TH page 148.