Page:Leon Wieger Taoisme.djvu/674

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joie céleste. Savoir que je suis né par ton influence, qu’à ma mort je rentrerai dans ta voie ; que reposant je communie au yinn ta modalité passive, qu’agissant je communie au yang ta modalité active ; voilà le bonheur suprême. Pour l’illuminé qui possède ce bonheur, plus de plaintes contre le ciel (intermédiaire inintelligent, fatal), plus de ressentiment contre les hommes (qui suivent leurs voies, comme moi), plus de soucis pour les affaires (qui n’en valent pas la peine), plus de crainte des revenants (qui ne peuvent rien). L’action de l’illuminé se confond avec l’action du ciel, son repos avec le repos de la terre ; son esprit ferme domine le monde ; à la mort, son âme inférieure ne sera pas malfaisante (se dissipera paisiblement), son âme supérieure n’errera pas famélique (passera sous une autre forme). Oui, suivre l’évolution du Principe, dans le ciel et la terre, dans tous les êtres, voilà la joie céleste. Cette joie, c’est le tréfonds du cœur du Sage. C’est d’elle qu’il tire ses principes de gouvernement.


B.   Fidèles imitateurs du ciel et de la terre, du Principe et de son influence, les anciens souverains n’intervenaient pas directement, ne s’occupaient pas des détails. De là vient qu’ils pouvaient gouverner l’empire tout entier. Inactifs, ils laissaient agir leurs sujets. Immobiles, ils laissaient les hommes se mouvoir. Leur pensée s’étendait à tout, sans qu’ils pensassent à rien ; ils voyaient tout en principe, sans rien distinguer en détail ; leur pouvoir, capable de tout, ne s’appliquait à rien. Tels, le ciel ne faisant pas naître, les êtres naissent ; la terre ne faisant pas croître, les êtres croissent. Ainsi, le souverain n’agissant pas, les sujets prospèrent. Qu’il est transcendant, l’influx du ciel, de la terre, du souverain, ainsi entendu ! Et qu’on a raison de dire, dans ce sens, que l’influx du souverain s’unit à celui du ciel et de la terre ! Indéfini comme celui du ciel et de la terre, il entraîne tous les êtres et meut la foule des humains. — Unique dans sa sphère supérieure, cet influx se répand en descendant. Le souverain formule la loi abstraite ; ses ministres l’appliquent aux cas concrets. Art militaire, lois et sanctions, rites et usages, musique et danses, noces et funérailles, et autres choses qui tourmentent les Confucéistes, tout cela ce sont menus détails, que le Sage laisse à ses officiers. — Il ne faudrait pas penser, toutefois, qu’il n’y a, dans les choses humaines, ni degrés, ni subordination, ni succession. Il y a un ordre naturel, fondé sur la relation réciproque du ciel et de la terre, et sur l’évolution cosmique. Le souverain est supérieur au ministre, le père à ses fils, les aînés aux cadets, les vieillards aux jeunes gens, l’homme à la femme, le mari à l’épouse ; parce que le ciel est supérieur à la terre. Dans le cycle des saisons, les deux saisons productives précédent les deux saisons improductives ; chaque être passe par les deux phases successives de vigueur et de déclin ; cela, du fait de l’évolution cosmique ; et par suite, les parents ont le pas dans la famille, à la cour c’est le rang qui prime, dans les villages les vieillards sont honorés, dans les affaires on s’en remet au plus sage. Manquer en ces choses, ce serait manquer au Principe, dont ces règles sont des conclusions.