Page:Leon Wieger Taoisme.djvu/764

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n’y a pas de passé et de présent, de commencement et de fin, par rapport au Principe, lequel est toujours, au présent… Mais, à mon tour, je vais vous poser une question. Dites-moi, peut il y avoir des enfants et des petits-enfants qui n’aient pas de parents, pas d’aïeux ?.. Comme Jan-k’iou restait bouche bée, Confucius lui dit : Parmi les hommes, non. Le mode d’engendrer humain consiste en ce que des êtres déterminés communiquent leur principe de vie à des rejetons de même nature. Tout autre fut la genèse du ciel et de la terre (pseudo enfants), de tous les êtres (pseudo petits-enfants du Principe). Ce qui fut avant le ciel et la terre (le Principe), fut-ce un être déterminé, ayant forme et figure ? Non !.. Celui qui détermina tous les êtres (le Principe), ne fut pas lui-même un être déterminé. Ce fut l’être primordial indéterminé, duquel j’ai dit que ce qui fut est ce qui est. Il répugne logiquement que les êtres sensibles aient été produits par d’autres êtres sensibles en chaîne infinie. (Cette chaîne eut un commencement, le Principe, l’être non sensible, dont l’influx s’étend depuis à son dévidage.)


L.   Yen-yuan dit à Confucius : Maître je vous ai entendu dire bien souvent, qu’on ne devrait pas tant s’occuper des rapports, pas tant s’inquiéter des relations. Qu’est-ce à dire ? — Confucius répondit : Les anciens restaient impassibles parmi les vicissitudes des événements, parce qu’ils se tenaient en dehors de ce flux. Les modernes au contraire suivent le flux, et sont par conséquent tourmentés par des intérêts divers. Il est, au dessus des transformations, une unité (le Principe), qui reste immobile, indifférente, non différenciée, non multipliée. C’est sur cette Unité que les anciens, les vrais Sages, prenaient modèle. C’est d’elle qu’on s’entretenait, dans le parc de Hi-wei, dans le jardin de Hoang-ti, dans le palais de Chounn, dans les résidences des empereurs T’ang et Ou. [Interpolation… Plus tard, ceux qu’on appelle les savants, les maîtres parmi les disciples de Confucius et de Mei-tzeu, se mirent à disputer sur le oui et le non. Maintenant les discussions sont générales. Les anciens ne faisaient pas ainsi.] A l’instar de l’Unité, les anciens étaient calmes et neutres. Comme ils ne blessaient personne, personne ne leur voulait de mal. Cette unique règle de ne pas se faire d’ennemis suffit en matière de rapports et de relations.


M.   Fragment additionnel, probablement déplacé… Quand je me réjouis, à la vue des montagnes boisées, des hauts plateaux, soudain la tristesse vient troubler ma joie. La tristesse et la joie vont et viennent dans mon cœur, sans que je puisse les gouverner. Je ne puis, ni retenir l’une, ni me préserver de l’autre. Hélas ! faut-il que le cœur de l’homme soit ainsi comme une auberge ouverte à tout venant. On peut prévoir certaines rencontres, mais d’autres sont imprévisibles. On peut empêcher certaines choses, mais d’autres ne peuvent être empêchées. L’imprévu, la fatalité, pas de remède contre ces deux maux. Quiconque voudrait lutter contre eux se rendrait encore plus malheureux, l’insuccès étant certain dans la lutte pour l’impossible. Il n’y a donc qu’à se soumettre au destin, qui dérive du Principe. Se taire est le meilleur usage qu’on puisse faire de la faculté de parler. Ne rien faire est le meilleur usage qu’on puisse faire de la faculté d’agir. Ne rien apprendre est le meilleur usage qu’on puisse faire de son intelligence. Vouloir beaucoup apprendre, vouloir tout savoir (Confucius), c’est la pire des erreurs.