Page:Leopardi - La Poésie, trad. Lacaussade, 1889.djvu/261

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De derrière les monts, noir et gros de tempêtes,
Un nuage montait enveloppant leurs crêtes.
Si vite il grandissait et grandissait encor
Que la lune semblait et les étoiles d’or
Avoir au ciel éteint leurs lumières discrètes.
Elle voyait monter, monter de tout côté
L’orageuse nuée aux menaces funèbres,
Qui, déployant partout sa noire opacité,
Étendait autour d’elle un manteau de ténèbres.
Et la lumière allait toujours s’affaiblissant ;
Déjà l’on entendait, au vent qui les incline,
Sortir du sein des bois un souffle gémissant,
Du sein des bois charmants qui longent la colline.
Et le vent augmentait. Tout à coup réveillés,
Les oiseaux, de leurs nids de mousse et de feuillage,
A travers les rameaux s’envolaient effrayés.
Et l’immense nuée envahissait la plage ;
L’un de ses bords touchait les monts, l’autre la mer.
L’obscurité planait vaste et dense, et dans l’air
Battait la pluie, et l’eau ruisselait du nuage.
Sous le firmament lourd les sillons de l’éclair
Couraient et serpentaient, fulgurante lumière
Dont l’éclat la forçait à fermer la paupière.
Et dans l’obscurité quand se rouvraient ses yeux,
La terre était plus noire et plus rouges les cieux.
Ici, la-haut, partout l’orage épouvantable !
Où s’abriter, où fuir ses croissantes fureurs ?
Et déjà rugissait le tonnerre, semblable
Au fracas d’un torrent qui, tombant des hauteurs,