Page:Leopardi - La Poésie, trad. Lacaussade, 1889.djvu/69

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La pensée en travail et ses éclats sublimes ?
Qui peindra de vos fronts l’effroi mystérieux,
L’effarement sacré ? qui, l’éclair de vos yeux ?
Quels accents, quelle voix de terrestre origine
Rendra dans son essence une chose divine ?
Arrière ! Loin d’ici l’âme sans vision,
L’âme que n’emplit pas, Dante, ta passion !…
Ah ! de notre Italie inondant la paupière,
Que de pleurs couleront sur cette noble pierre !
Comme elle en versera ! Sous ces pleurs éternels
Grandira votre gloire, artistes fraternels !
Et vous, qui de nos maux allégez la détresse,
Arts sacrés, arts vengeurs, vous l’orgueil, vous l’ivresse,
La consolation d’un peuple malheureux,
Vivez ! Vivez pour nous, vivez, arts généreux
Qui relevez notre âme et dorez nos ruines
Des vivantes splendeurs de nos gloires divines !
Et qui, sur nos débris évoquant l’âge ancien,
Peuplez de son passé le sol italien !

Voici que désireux, dans ma pitié fervente,
D’honorer comme vous notre mère dolente,
Offrant ce que je puis, voulant à vos travaux
Mêler mon chant, je viens m’asseoir, nobles rivaux,
Parmi vous, dans ce lieu, paisible sanctuaire,
Où vous donnez la vie et votre âme à la pierre.
Illustre créateur, ô père glorieux
Du rhythme étrusque, Maître au verbe harmonieux,