Page:Leopardi - La Poésie, trad. Lacaussade, 1889.djvu/70

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Si des terrestres bords, si de la ville antique
Que si haut éleva ta foi patriotique,
Quelque nouvelle arrive à ces funèbres lieux
Qu’habite désormais l’ombre de nos aïeux,
Ces hommages tardifs que la terre t’envoie,
Pour toi, tu n’en ressens, je le sais, nulle joie ;
Car le marbre et le fer, le granit et l’airain,
Encor moins que le sable, ô Maître souverain,
Sont solides auprès de cette renommée
Que tu laissas de toi dans ta patrie aimée !
Et si ton souvenir est sorti de nos cœurs,
S’il en sortait jamais, oh ! croissent nos malheurs,
S’ils peuvent croître encor ! Puisse ta descendance
A son ingratitude égaler sa souffrance !
Obscure au monde entier, qu’elle ait pour châtiments
Et les deuils et les pleurs et les gémissements !

Non ! ce n’est pas pour toi, grande âme endolorie,
Si tu te réjouis, non ! c’est pour ta patrie
Malheureuse ! espérant qu’à l’appel des aïeux
Les fils s’éveilleront d’un sommeil oublieux ;
Qu’énervés, engourdis, l’exemple de leurs pères
Leur rendra la fierté qui fit nos jours prospères !
Hélas ! quel long supplice et quels tourments affreux
Elle a connus depuis l’heure où des Bienheureux
Tu revis le séjour, l’heure libératrice
Qui te rendit enfin le ciel et Béatrice !
De ses maux aujourd’hui le poids est si pesant,
Auprès de son passé si dur est son présent,