Page:Leopardi - Poésies et Œuvres morales, t2, 1880, trad. Aulard.djvu/209

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Le physicien.

Plus malheureux sans doute, puisqu’ils meurent plus tôt.

Le métaphysicien.

Je crois le contraire, et pour le même motif. Mais là n’est pas l’essentiel. Fais un peu attention. Je niais que la vie pure, c’est-à-dire le simple sentiment de l’être, fût chose aimable et désirable par nature. Mais ce qui est peut-être plus digne du nom de vie, je veux dire la puissance et l’abondance des sensations, est naturellement aimé et désiré de tous les hommes, car toute action et toute passion vives et fortes, pourvu qu’elles ne soient ni déplaisantes ni douloureuses, sont agréables par le seul fait qu’elles sont vives et fortes, même s’il y manque tout autre qualité aimable. Or, chez ces hommes dont la vie se consumerait naturellement dans l’espace de quarante ans, c’est-à-dire dans la moitié du temps destiné par la nature aux autres hommes, cette vie dans chacun de ses éléments serait le double plus vive que la nôtre ; en effet, ces hommes devant croître et arriver à la perfection, et, d’autre part, se flétrir et périr en moitié moins de temps, les opérations vitales de leur nature seraient proportionnées à cette accélération de la vie, c’est-à-dire plus fortes du double que chez les autres à chaque instant de la durée ; en outre, les actions volon-