Page:Leopardi - Poésies et Œuvres morales, t2, 1880, trad. Aulard.djvu/44

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sur cette terre et à habiter ces collines odorantes. Mais tu as passé rapidement et ta vie fut comme un songe. Tu allais dansant : sur ton front brillait la joie, dans tes yeux brillait cette imagination confiante et cette lumière de jeunesse, au moment où le destin l’éteignit et où tu mourus. Ah ! Nérine ! l’antique amour règne encore dans mon cœur. Si je vais encore parfois aux fêtes et aux réunions, en moi-même je me dis : Ô Nérine, aux fêtes et aux réunions tu ne te prépares plus, tu n’y vas plus. Si mai revient, si les amants vont porter aux jeunes filles des bouquets et des chants, je dis : Ma Nérine, pour toi jamais ne revient le printemps, jamais ne revient l’amour. Chaque jour serein, chaque plage fleurie que je vois, chaque plaisir que je sens, je dis : Nérine maintenant n’a plus de plaisirs ; les champs, l’air, elle ne les voit plus. Hélas ! tu as passé, mon éternel soupir, et ce souvenir cruel sera le compagnon de toutes mes rêveries, de tous mes tendres sentiments, de tous les tristes et chers mouvements de mon cœur.