Page:Leopardi - Poésies et Œuvres morales, t2, 1880, trad. Aulard.djvu/71

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

beaucoup d’années, lui dire adieu sans autre espérance de la rencontrer encore sur la route du monde, puis seul, abandonné sur terre, regardant autour de lui aux heures, aux lieux accoutumés, se rappeler le compagnon perdu ? Comment, ah ! comment, ô Nature, as-tu le cœur d’arracher des bras l’un de l’autre l’ami et l’ami, le frère et le frère, le père et l’enfant, l’aimant et l’aimé, et d’anéantir l’un en laissant la vie à l’autre ? Comment as-tu pu rendre nécessaire pour nous cette grande douleur, que le mortel survive au mortel et continue à aimer ? Mais la Nature en ses actes s’inquiète d’autre chose que de notre mal et de notre bien.