Page:Leopardi - Poésies et Œuvres morales, t2, 1880, trad. Aulard.djvu/84

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sur la route le charretier salue d’un chant triste la dernière blancheur de la lumière qui fuit ;

De même la jeunesse s’évanouit et laisse la vie humaine ; alors s’enfuient les ombres et l’aspect des erreurs séduisantes et disparaissent les espérances lointaines sur lesquelles s’appuie la nature mortelle. La vie reste abandonnée, obscure. Le voyageur troublé y plonge en vain son regard et cherche le terme ou le but du chemin qui lui reste à faire : il voit que le séjour terrestre lui est étranger et qu’il est devenu étranger à ce séjour.

Trop heureux et trop gai parut là-haut notre misérable sort, si la jeunesse, où pourtant chaque bien est le fruit de mille peines, durait autant que le cours de notre vie. Ce serait un décret trop doux, celui qui condamne à mourir chaque être animé, si le milieu de la route ne lui était pas bien plus dur que la terrible mort. Trouvaille digne d’intelligences immortelles, les éternels inventèrent la vieillesse, le plus grand de tous les maux, où le désir est intact, l’espérance éteinte, où les sources du plaisir sont desséchées, où les maux s’accroissent toujours sans qu’aucun bien soit plus accordé.

Vous, collines et plages, une fois tombée la splendeur qui à l’occident argentait le voile de la nuit, vous ne resterez pas longtemps orphelines : bientôt, du côté opposé, vous verrez le ciel blanchir de nouveau et l’aube se lever : le soleil suivra