Page:Leopardi - Poésies et Œuvres morales, t2, 1880, trad. Aulard.djvu/90

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pour l’offense, tendre des pièges et des embûches à son voisin, elle voit là autant de folie que si, dans un camp entouré d’une armée ennemie, au moment le plus critique de l’assaut, on oubliait les ennemis, on entreprenait des querelles acerbes avec ses amis, et qu’on semât la fuite et qu’on fît briller son épée parmi ses propres compagnons d’armes. Quand de telles pensées seront connues du vulgaire, comme elles le furent, quand cette horreur, qui unit d’abord les mortels en société contre la nature impie, sera ramenée en partie par le vrai savoir, par l’honnête et loyale politique, la justice et la piété auront alors d’autres racines que ces superbes folies, où on fonde la probité du vulgaire, probité aussi stable que peut être stable ce qui a l’erreur pour fondement.

Souvent sur ces plages désolées et en deuil que revêt le flot durci qui semble ondoyer, je m’assieds pendant la nuit ; et, sur la lande triste, dans l’azur très-pur, je vois en haut flamboyer les étoiles à qui la mer au loin sert de miroir, et dans le vide serein brille tout un monde d’étincelles tournoyantes. Et quand je fixe mes yeux sur ces lumières qui nous semblent n’être qu’un point, et qui sont si immenses que pour elles la terre et la mer sont véritablement un point, et qu’elles ignorent tout à fait non seulement l’homme, mais ce globe où l’homme n’est rien ; quand je regarde ces groupes d’étoiles encore plus éloignées de nous