Page:Lepelletier - Émile Zola, 1908.djvu/324

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même journal, son fameux arbre généalogique des Rougon-Macquart. Une Page d’Amour, c’est l’histoire de deux êtres, un homme et une femme, que la maladie d’un enfant réunit. Ils s’aiment. Longtemps, ils hésitent à reconnaître eux-mêmes cet amour. Enfin, l’aveu éclate. La maladie de l’enfant, qui avait réuni les amants, les isole, et sa mort les sépare à jamais. L’homme retourne à sa compagne légale, au foyer conjugal, aux affaires et à la banalité écœurante de la vie de tous les jours, la femme se jette, comme en un port, en les bras d’un ancien notaire, amoureux en cheveux gris, qui se trouve être un honnête homme. Les deux couples peuvent encore être heureux. L’enfant pourrit sous la terre grasse du cimetière. Tel est le squelette du drame. Rien de plus simple. Le principal personnage d'Une Page d’Amour, « l’héroïne », c’est l’Enfant. Elle s’appelle Jeanne. Elle a onze ans et demi. Victime fatale de la loi de l’hérédité, elle roule dans ses veines des globules malsains, et porte dans la matière nerveuse de son cerveau des ferments maladifs, semblables à ceux qui conduisirent son aïeule, Adélaïde Fouque, de qui elle procède, à la maison de fous des Tulettes, et qui la jetteront, la pauvrette, à douze ans, dans une bière, guère plus grande qu’un berceau. L’enfant n’a que sa mère au monde. Elle l’aime fiévreusement, de toutes les forces irritables de son petit être exsangue, de toutes les ardeurs surexcitées de son organisme douloureux. Cet amour filial est si intense que la nerveuse petite fille sanglote de jalousie quand sa mère vient à caresser un autre enfant. Elle est à l’état de chloro-anémie. Sur le seuil de la puberté, la jeune fille