Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 3.djvu/186

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Au moment où j’arrivais, on en remplissait des voitures d’ambulance ; elles ne suffisaient pas à ramasser tous ces héros. Je voyais des médecins militaires, au service de la Commune, les entasser les uns sur les autres, la tête au fond de la voiture et ne montrant que les pieds. Tous ces hommes sont morts ? demandai-je à un médecin. — Vous le voyez bien, me répondit-il en maugréant : ils ont la pointe du pied en dehors ! C’est ainsi que je connus ce caractère particulier de la mort, qui, jusqu’alors m’avait échappé. Six voitures étaient là, contenant au moins chacune plus de deux cents pieds en dehors. Il en était déjà parti plus de vingt chargées de la même manière. Autour de ces lugubres convois, un ramassis d’hommes et de femmes devisaient avec des mines farouches, se racontant à leur manière les incidents de la journée, se montrant le mur où les exécutions avaient été faites.

(Léonce Dupont. — Souvenir de Versailles, p. 48.)

Donc Versailles a inauguré la guerre civile en fusillant des prisonniers, en laissant, après le combat, égorger les vaincus qui se rendaient, qui n’étaient plus des combattants. Il était permis de les traiter comme des adversaires dangereux, à qui l’on devait ôter les armes, mais à qui on pouvait laisser la vie. Ces rebelles n’étaient point reconnus comme « belligérants », diront les casuistes du massacre. Les forces rassemblées à Paris, sous le drapeau de la Commune, malgré l’origine insurrectionnelle, avaient certes droit à la qualification de « belligérants », étant non pas une bande d’émeutiers racolés au hasard et prêts à faire le coup de feu en aventuriers, mais une troupe depuis longtemps organisée, encadrée, soldée, portant uniforme, et dont chaque unité avait son numéro matricule ; de plus, obéissant à des chefs nommés par un gouvernement issu du suffrage universel, un gouvernement plus régulier, plus légal que celui du 4 septembre, qui s’était nommé lui même à la suite d’une émeute. À ces mêmes gardes nationaux, les autorités prussiennes, durant le siège, avaient reconnu