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VERLAINE EMPLOYÉ

de Verlaine, cette atmosphère de notoriété qui se condense en réclame marchande, il put monnayer, sur le tard, ses vers, et les moins bons. Alors seulement le poète miséreux se soucia de changer en écus les feuilles sèches de ses manuscrits. Il y parvint péniblement. Il n’avait ni l’habitude ni le savoir-faire des rapports avec les éditeurs. Ceux-ci ne se hâtaient point d’ouvrir leur caisse, car ils avaient de la méfiance, quant à la livraison exacte de l’œuvre acquise, et aussi doutaient-ils de la vente. Si Verlaine parvint à soutirer quelques pièces de cent sous à Vanier, qui, ayant déjà publié la plupart de ses ouvrages, ne voulait pas qu’un concurrent pût en débiter d’inédits, c’était à la suite de marchandages, de supplications, de roueries et de menaces peu dignes des deux côtés. Ces marchés, qui se passaient avec quelques « thunes », comme disait Verlaine, dans la rue ou devant le marbre d’une table de café, ressemblaient plutôt à des opérations de brocante ou à des distributions de bienfaisance qu’à un traité d’homme de lettres avec son éditeur.

Si son existence d’employé fut calme, sans incident administratif, il ne s’en produisit pas moins trois événements importants, décisifs, dans la vie du poète bureaucrate : il se maria en août 1870, la guerre éclata, puis le Siège et la Commune survinrent.

Libéré du service militaire par son numéro de tirage au sort, de plus, ayant fourni un remplaçant, appartenant par sa classe (1864) aux contingents non appelés dans l’armée active ou dans la mobile, en outre marié, et ainsi mis en dehors des effectifs de marche de la garde nationale, Verlaine aurait pu s’embusquer, comme beaucoup d’employés municipaux, dans quelque fonction permettant de se couvrir de l’uniforme et d’éviter les gardes