Page:Lepelletier - Paul Verlaine, 1907.djvu/141

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discuter littérature, enclins à se coaliser pour s’ouvrir un passage sur la route de l’art.

À quoi bon faire des vers si personne ne doit les entendre, les admirer ou les critiquer ? Le rossignol solitaire a beau lancer ses trilles éperdus dans le calme des nuits printanières, il sait qu’on l’écoute ; autrement, il laisserait s’éteindre sa musique, et, au lieu de chanter l’amour, il le pratiquerait en silence, dans l’épaisseur des ramures. Bon pour les astres du ciel de briller dans l’espace sans se préoccuper d’être regardés. Les étoiles du firmament poétique n’ont d’éclat que si le miroir humain les reflète.

Un hasard nous fournit cette occasion souhaitée de lier connaissance avec de jeunes apprentis de lettres, impatients comme nous de se rencontrer, de se connaître, de se grouper, de se communiquer leurs impressions, leurs opinions, soucieux d’essayer sur le jugement d’autrui le bon aloi de leurs premiers travaux.

Un camarade de lycée, P.-L. Miot-Frochot, garçon aimable, mais suffisamment prétentieux et incomplètement doué (il s’occupait de travaux d’érudition, de recherches sur le Moyen Âge, les romans de chevalerie, les aventures du Saint-Graal : des labeurs de vieux bibliothécaire et des ambitions de paléographe), nous conduisit chez un jeune écrivain, polygraphe déjà fécond, Louis-Xavier de Ricard.

Fils d’un général de l’Empire, le marquis de Ricard, ancien gouverneur de la Martinique et ex-aide de camp du prince Jérôme, Louis-Xavier de Ricard était alors un jeune homme brun, chevelu, barbu, grave, possédé d’une véritable fièvre de compilation, d’annotation, de commentaires et d’exégèse laïque. Il cumulait tous les genres ; son désir embrassait tout le cosmos de l’intellect.