Page:Lepelletier - Paul Verlaine, 1907.djvu/161

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contraire, la nuance imprécise et l’indécision du contour.

On l’entendit formuler plus tard sa poétique nouvelle, en ces vers qui donnent simultanément la règle et l’exemple, comme dans les traités classiques de métrique et de prosodie :


De la musique avant toute chose,
Et pour cela préfère l’Impair
Plus vague et plus soluble dans l’air,
Sans rien en lui qui pèse ou qui pose.

Il faut aussi que tu n’ailles point
Choisir tes mots sans quelque méprise :
Rien de plus cher que la chanson grise
Où l’Indécis au Précis se joint,

… Car nous voulons la Nuance encor,
Pas la Couleur, rien que la Nuance !
Oh ! la Nuance seule fiance
Le rêve au rêve et la flûte au cor !…

… Oh ! qui dira les torts de la Rime !
Quel enfant sourd ou quel nègre fou
Nous a forgé ce bijou d’un sou,
Qui sonne creux et faux sous la lime ?
De la musique encor et toujours !…
                           (Jadis et Naguère.)


La poétique était autre, au temps des Poèmes Saturniens, et des Fêtes galantes. Bien loin de « dire les torts de la Rime », le poète alors déclarait haïr, comme la femme jolie et l’ami prudent, « la rime assonante ». La femme et l’ami n’étaient mis là que par manière de plaisanterie, mais pour la rime, c’était sérieux. On ne badinait pas avec sa richesse. Verlaine pourchassait de son mépris les rimes pauvres ; il suivait les préceptes stricts du traité de versification de Théodore de Ban-