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Page:Lepelletier - Paul Verlaine, 1907.djvu/168

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UN SOIR D’OCTOBRE


L’automne et le soleil couchant ! Je suis heureux !
Du sang sur de la pourriture !
L’incendie au zénith ! La mort dans la nature !
L’eau stagnante, l’homme fiévreux !

Oh ! c’est bien là ton heure et ta saison, poète
Au cœur vide d’illusions,
Et que rongent les dents de rats des passions,
Quel bon miroir, et quelle fête !

Que d’autres, des pédants, des niais ou des fous,
Admirent le printemps et l’aube,
Ces deux pucelles-là, plus roses que leur robe ;

Moi, je t’aime, âpre automne, et te préfère à tous
Les minois d’innocentes, d’anges,
Courtisane cruelle aux prunelles étranges.

10 octobre 1862.


De la même époque, et dans le même ordre d’inspiration baudelairienne et ironiquement macabre, date la pièce suivante, en distiques, non publiée, que je sache, jusqu’ici :

FADAISES


Daignez souffrir qu’à vos genoux, Madame,
Mon pauvre cœur vous explique sa flamme.

Je vous adore autant et plus que Dieu,
Et rien jamais n’éteindra ce beau feu.

Votre regard, profond et rempli d’ombre,
Me fait joyeux, s’il brille, et sinon, sombre.

Quand vous passez, je baise le chemin,
Et vous tenez mon cœur dans votre main.

Seule, en son nid, pleure la tourterelle,
Las, je suis seul et je pleure comme elle.

L’aube au matin ressuscite les fleurs.
Et votre vue apaise les douleurs.