Page:Lepelletier - Paul Verlaine, 1907.djvu/183

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singe, qui, réfugié sur son épaule, nous faisait des grimaces et parfois nous montrait son derrière. Ce singe représentait le philosophe assistant à l’orgie, dans le tableau de Couture.

Nina avait été mariée, oh ! peu de temps, à un journaliste connu, et qui fut brillant, Hector de Callias. Un type aussi ce mari, et un excentrique comme sa petite femme, qu’il ne sut ni apprécier, ni rendre heureuse, ni conserver. C’était un absinthier de premier rang. Il réalisait parfaitement, pour les bourgeois l’apercevant attablé au Rat-Mort ou à la Nouvelle-Athènes, la caricature du bohème de lettres, telle qu’elle a été tant de fois esquissée.

Hector de Callias ne manquait ni d’esprit ni de talent. Il avait su marquer sa place, au milieu de nombre de journalistes réputés ; au Figaro, Villemessant s’était intéressé à lui, et, dans son testament, il lui avait laissé une petite rente, qui lui servait à manger, à boire pour dire le vrai.

Quand sa femme mourut, Hector de Callias, bien que n’ayant conservé aucune relation avec elle, crut bienséant de suivre le convoi. L’enterrement avait lieu du côté de Montrouge. Très digne, Callias, en habit noir avec la cravate blanche de rigueur, conduisit le deuil et fit les honneurs de la cérémonie funèbre aux rares assistants, stupéfaits par l’apparition de ce mari revenant.

La pauvre Nina avait fini par succomber à la suite des surexcitations de toute sorte, des veilles et des excentricités qui étaient, chez elle, les conditions normales de l’existence. Le personnel de ses soirées bizarres de la rue des Moines n’était plus celui de la rue Chaptal. Les habitués d’avant la guerre étaient devenus académiciens, décorés, célèbres, rangés, ou défunts, et sauf Léon Dierx,