Page:Lepelletier - Paul Verlaine, 1907.djvu/195

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bandonner, puisque je refusais d’aller avec lui au Pré-Catelan. Tout à coup, il emberlificota les pans de son macfarlane dans un buisson, il trébucha, fut comme pris dans un piège, et du coup lâcha son arme. Je m’élançai d’abord vers le stylet, je le réintégrai dans le fourreau de bois, et, comme confisqué, je le gardai, donnant mon stick inoffensif en échange à Verlaine, puis je le chapitrai, je le raisonnai. Il grondait, grognait, jurait, menaçait encore, et sans doute, malgré moi, malgré tout, il aurait réalisé son idée d’ivrogne entêté de retourner au Pré-Catelan, afin d’y provoquer ceux avec qui il s’était querellé, ou peut-être même, tout simplement, avec la mobilité d’impression, la facilité de réconciliation des buveurs, leur aurait-il offert de trinquer, quand un bruit de pas lourds, de branches froissées, nous fit tourner la tête. Un vieux garde du Bois, avec képi, uniforme vert et médaille militaire, courait vers nous. Son intention était visible de nous interroger. Peut-être projetait-il de nous arrêter. De loin, embusqué dans un taillis, ce vieux brave avait vu la scène, à laquelle il n’avait rien dû comprendre, d’un homme en menaçant un autre avec une arme, et il était accouru pour préserver la victime et arrêter le meurtrier.

Il ne dut pas comprendre davantage à ce qui se passa ensuite, car il vit l’assassin et l’assassiné se hâter de s’éclipser de compagnie, à travers les arbres, s’aidant, se favorisant dans leur fuite réciproque. J’avais saisi Verlaine, dégrisé et devenu très docile, par la main, et je l’entraînai de mon mieux vers Paris. La vue du garde lui avait rendu un peu de sang-froid. Nous ne tenions, ni l’un ni l’autre, à un procès-verbal à une heure aussi indue. D’où galopade effrénée vers la Porte Maillot. Nous percevions derrière nous la course précipitée du