Page:Lepelletier - Paul Verlaine, 1907.djvu/247

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pluie qu’il brandissait à la main, et sa tenue d’enterrement. Un consommateur, près de lui, l’apostropha en disant : « C’est Vive la France ! qu’il faut crier. Nous ne sommes pas en République ! »

En même temps, ce monsieur, qui semblait un ami forcené de l’Empire, désignait le poète aux agents, qui firent mine de l’empoigner.

Les habitués du café de Madrid étaient heureusement en nombre, et l’on était préparé aux collisions, alors presque quotidiennes, avec les sergots. C’était le temps des « Blouses Blanches ». La police avait, un soir, fait le siège du café ; nous nous étions barricadés avec des tables et des chaises. La résistance était coutumière. On repoussa donc cette fois encore l’intervention des agents, et on engagea Verlaine, dégagé, repris aux sergents de ville, à s’esquiver le plus tôt possible, par le passage Jouffroy. Il ne se le fit pas dire deux fois, et fila.

Il s’arrêta cependant en route, pour avaler un rafraîchissement, car il était fort échauffé, et puis les émotions altèrent, et il acheta des journaux du soir, qui venaient de paraître. Ses yeux tombèrent sur la nouvelle suivante :


L’Impératrice Régente a promulgué, le Conseil des Ministres entendu, le Corps Législatif ayant voté, et le Sénat ayant été entendu, la loi suivante :

Tous les hommes non mariés, des classes 1844-1845, qui ne font pas partie du contingent, sont appelés sous les drapeaux.


Verlaine appartenait à la classe de 1844 ; il était exempté par son numéro, comme ayant fourni un remplaçant, et de plus fils de veuve, mais le décret était formel : il devait être incorporé ! Ses sentiments patriotiques, pour le moment, s’évanouirent, il ne songea plus à crier « Vive la République ! » ni Vive quoi que ce fût.