Page:Lepelletier - Paul Verlaine, 1907.djvu/257

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pu le conduire où et comme elle aurait voulu. Elle le tenait.

Le lien conjugal s’était promptement renforcé par la naissance d’un enfant. À toutes les époques de sa vie, Verlaine a parlé avec attendrissement de son fils Georges, qu’il ne devait jamais embrasser. Il m’a prié, plus tard, de faire des recherches à Orléans, où le jeune homme apprenait l’état d’horloger. Il écrivait à Stéphane Mallarmé, professeur au lycée Condorcet, pour s’informer du jeune Georges, qu’il supposait devenu élève de ce lycée. Son fils et sa femme étaient deux chaînes qu’il n’eût jamais rompues entièrement, car il les aimait, ces entraves légales. Rompues ou coupées, il eût été facile de les rattacher, puisqu’il le souhaitait.

La grande difficulté était de lutter contre la boisson, de triompher de cette terrible maladie de l’alcool, qui fut la première cause de scènes, de reproches, puis d’énervement et de violences entre les époux.

J’ai signalé déjà la progression alcoolique fâcheuse de Verlaine. Dans sa toute jeunesse, aux ducasses du Nord, et parmi la plantureuse existence rustique qu’on menait chez ses parents, les Dehée, de Fampoux, les Dujardin, de Lécluse, les Grandjean, de Paliseul, il avait pris goût à la bière, au genièvre, à la « bistouille » ; employé d’administration, et disposant de quelque argent de poche, il s’habitua de plus en plus aux apéritifs capiteux. Le siège de Paris, avec sa disette de vivres, son abondance de liquides, ses désœuvrements forcés, les promiscuités lichardes du bastion, du corps de garde, développa encore sa funeste dipsomanie. À jeun, Verlaine était le plus doux, le plus aimable des compagnons, et je suppose des maris ; intoxiqué d’absinthe, de bitter curaçao, de genièvre et de grogs américains, il devenait, pour ses