Page:Lepelletier - Paul Verlaine, 1907.djvu/289

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Mme  Mauté, qui fut toujours très bien, et Sivry, qui n’a qu’un tort, c’est d’être un peu lâcheur.

Je ne te donne pas notre adresse, parce que ami et moi wagonner et paquebotter insensément. Pas t’en formaliser et m’écrire vite, vite, vite ! À une prochaine occase, t’écrirai très curieux détails pittoresques, et enverrai vers nouveau modèle, très bien ; mais écris et envoie toi aussi.

Serre pinces.
P. V.


J’avais assisté, comme Verlaine y fait allusion dans cette lettre, au début de l’irritation conjugale, car je demeurais, pendant l’hiver de 1871-72, dans la même maison que Mme  Verlaine mère, 26, rue Lécluse. Là, bien souvent, je l’avais vu, revenir de la rue Nicolet, nerveux, accablé, se réfugiant auprès de sa mère, mâchant ses irritations et ruminant ses désespoirs. Il m’avait conté ses doléances, ses griefs, ses sujets de plaintes, durant de longues soirées, entremêlées de fumées de pipes, d’absorption d’une petite bière aigrelette, en bouteille, montée de chez l’épicier d’en face, et accompagnées de capiteuse littérature. Il ne dissimulait pas ses torts ; il confessait très volontiers les nombreux accès de « soulographie », comme il disait, qui amenaient des reproches familiaux et des scènes avec sa femme, mais il insistait surtout sur les mauvais procédés de son beau-père, sur les tracasseries dont il était l’objet. Bien vite la désaffection était entrée dans le cœur de sa femme. Elle faisait sans cesse allusion à une séparation ; elle témoignait hautement du désir de demeurer, sans son mari, chez ses parents, et de rompre toute existence commune avec Verlaine. Il y a un entraînement irrésistible dans ces préparatifs de rupture. On en arrive vite à envisager, comme très réalisable et très proche, une séparation qui, tout d’abord, n’apparaissait que comme problématique, presque chimérique, entravée de mille obstacles, d’habitudes de