Page:Lepelletier - Paul Verlaine, 1907.djvu/344

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Dans son exaltation fiévreuse, il partit pour la Belgique. Mme Verlaine mère, qui, dans sa touchante pensée de revoir son fils à Paris, près d’elle, loin des vagabondages et des dépenses à l’étranger, entretenait peut-être en lui des illusions conjugales, et lui faisait entrevoir une réconciliation, qui n’existait que dans les désirs de la bonne dame, contribua certainement à lui faire concerter sa fuite de Londres et son éloignement de Rimbaud.

Il avait donc prévenu sa mère, et lui donnait rendez-vous avec sa femme. Arrivé à Bruxelles, Verlaine trouva bien sa mère à l’endroit fixé, mais il éprouva une déconvenue cruelle. Mme Verlaine mère lui apprit que sa femme avait refusé de se rendre à son appel. Il ne fallait pas, pour le moment, compter sur un rapprochement. Toujours optimiste et consolante, Mme Verlaine engagea son fils à ne pas désespérer ; le temps amènerait peut-être du changement. Il fallait encore patienter, et surtout ne pas recommencer l’existence errante avec Rimbaud.

La banalité de ces consolations et le vague de ces espérances surexcitèrent Verlaine. Il reçut assez mal les conseils maternels. Il descendit au cabaret voisin, but coup sur coup, pour noyer ses chagrins, malheureusement insubmersibles ; et comme, sous la double influence de la déception et de l’ivresse, l’animosité contre sa femme reprenait le dessus, tandis que son affection pour Rimbaud reparaissait, avec le remords de l’avoir laissé sans le sou à Londres, il expédia un télégramme à son mauvais génie, lui demandant pardon et le suppliant de venir le retrouver à Bruxelles, afin de recommencer l’existence en commun.

Rimbaud se hâta d’accourir, mais ce n’était plus dans l’intention de renouveler un bail avec Verlaine.