Page:Lepelletier - Paul Verlaine, 1907.djvu/377

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Je tiens beaucoup à ce que mon livre paraisse cet hiver. Efforce-t’y.

Tu auras de mes nouvelles par ma mère, et tu voudras bien m’en donner de toi par elle. Sous peu je serai installé (à la pistole, en la prison de Mons), et pourrai donner amples détails. Peut-être me permettra-t-on de corriger mes épreuves. En attendant que mon livre s’imprime, comme si de rien n’était, corrige et donne les bons à tirer.

Je pioche l’anglais à mort, « of course, for I am to live at London henceforth » [naturellement, car je suis décidé à vivre à Londres par la suite].

Je te serre bien la main. Au revoir, sinon bien prochainement, du moins, j’espère, en bonne santé, et bonne chance.

Ton vieux infortuné camarade et ami,
P. V.
From Brussels, de mare tenebrarum.


Une autre lettre, datée de la prison des Carmes, est fort embrouillée, car il y a des vers, copiés d’une écriture menue, entre lesquels s’intercalent des observations, des réflexions, et qui est surchargée de renvois, de fusées, de phrases encerclées, contenue dans une lettre adressée à ma mère et visée au greffe. Elle est ainsi conçue :


Pour Lepelletier. — Mon cher Edmond, je te remercie beaucoup de vouloir bien t’occuper de mon petit volume. Je tiens beaucoup à ce que ça paraisse cette saison-ci. Tu comprends que, étant bien forcé et résolu à vivre désormais de ma plume, il est urgent que mon nom ne reste pas absolument oublié pendant ces tristes loisirs. J’ai des plans de pièces que j’espère faire en prison, et présenter après, à Londres, aux comédiens français (Gymnase français), qui s’y trouveront de passage. Rien, je crois, de chimérique dans cette idée. Ce sera moderne, élégant, moral, et tout ! Littéraire aussi, mais sans lyrisme, cuistrerie, etc., etc. Enfin, éminemment pratique. Tu verras, d’ailleurs.

Jusqu’à nouvel ordre ne m’écris pas. Je suis tellement sur le provisoire, maintenant ! Je sais que tu es à Sens, mais je