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PAUL VERLAINE

Malheureusement, la malignité du fluide dominateur et pervers que dégageait Rimbaud s’exerça aussi dans le domaine de la réalité. Ce pernicieux conseiller altéra le caractère, changea la façon de vivre et de se comporter dans le milieu familial et social, du nerveux et faible Verlaine. S’accoutumant à cette autorité, il se laissa conduire, et vers les plus mauvais chemins, par la volonté et par l’énergie précoce de Rimbaud, alors poète, rêveur, flâneur, et plus tard explorateur, trafiquant, mercanti, vivant de la vie aventureuse des caravanes, remplaçant les dissertations sur les rythmes et les allitérations par les palabres devant les cases, substituant aux débats avec les imprimeurs pour le choix des caractères et les élégances typographiques, les marchés conclus le revolver au poing, et troquant la fortune littéraire contre la fortune cherchée à coup de hache dans les forêts, où l’on bûcheronne surtout le bois d’ébène. Ce conducteur poétique, destiné à finir négrier, devait le mener devant la police correctionnelle de Bruxelles. Il l’abandonna après l’avoir dévoyé et perdu. Arthur Rimbaud brusquement disparut, brûla ses poèmes, devint gérant d’une factorerie en Abyssinie, gagna de l’argent, et revint, pour mourir d’une blessure gangreneuse, à l’hôpital de Marseille. Il a sa statue à Charleville, sa ville natale.

Verlaine conçut, par la suite, au cours de son existence bigarrée, entre les séjours à l’hôpital et les stations dans les cafés, d’autres attachements sincères : divers jeunes gens, poètes, dessinateurs, professeurs, auxquels il conférait le titre de disciples, lui inspirèrent des amitiés toujours excessives. Durant son séjour dans un collège, à Rethel, et dans une institution anglaise, chez M. Andrews, où il professait, il eut pareillement des liaisons