Page:Lepelletier - Paul Verlaine, 1907.djvu/437

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venant de Job, gémit, et n’ose accuser la divinité qui l’a cruellement frappé dans son affection :


Mon fils est mort. J’adore, ô mon Dieu, votre loi…
Vous châtiez bien fort. Mon fils est mort, hélas !
Vous me l’aviez donné, voici que votre droite
Me le reprend, à l’heure où mes pauvres pieds las
Réclamaient ce cher guide en cette route étroite.
Vous me l’aviez donné, vous me le reprenez :
Gloire à vous !…


Dans tous ces poèmes attristés, Verlaine fait montre de la résignation la plus chrétienne. Il s’écrie avec l’évidence du fatalisme croyant :


Seigneur, j’adore vos desseins,
Mais comme ils sont impénétrables !


Et puis, il se considère comme puni. La mort de cet enfant adoptif était une expiation. Il n’aurait pas dû substituer ce fils d’élection à l’enfant légitime, qui plus tard lui reviendrait, comprenant combien son père avait « enduré de sottises féroces ». Il fallait laisser ce jeune homme, pauvre et gai, dans son nid, sans le mêler à son exil, à ses jeux orageux. Cette adoption fut le fruit défendu, et le ciel l’a puni.

À cette exaltation mystique, qui conduit le poète converti à se donner comme la discipline morale, Verlaine ajouta un témoignage, certainement sincère, de la pureté absolue de cette amitié, que n’épargna point la calomnie, quand elle fut connue. Il dépeint toujours Lucien Létinois comme un être pur, dont la vue et la présence le purifiaient :


De lui, simple et blanc comme un lys calme, aux couleurs
D’innocence candide et d’espérance verte,
L’Exemple descendait sur mon âme entr’ouverte,