Page:Lepelletier - Paul Verlaine, 1907.djvu/453

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cubrations. Cet Oronte féroce a privé notre littérature d’œuvres fortes et originales. Il a de plus contribué à perdre deux existences. La jeune femme de Robert Caze ne survécut qu’un an à son mari, et l’enfant, l’orphelin, sans fortune, sans appui, élevé de bric et de broc, est devenu un jeune bandit : il a comparu en cour d’assises, il y a quelques années, pour vol et assassinat, et a été condamné à la réclusion. Les amours-propres littéraires froissés sont parfois terribles et les duels d’hommes de lettres ne se terminent pas toujours par un déjeuner, comme le prétendent les sots.

Profitant des bonnes dispositions de Verlaine, enfin, déterminé, sans abandonner pour cela toute poésie, à écrire de la prose, publiable dans un journal, je le présentai au directeur du Réveil. Bien que la littérature y dominât en souveraine, ce journal n’en était pas moins un organe populaire de démocratisation lettrée ; il devait être compris et goûté d’un grand et gros public. J’engageai donc l’auteur de Sagesse à m’apporter quelque chose qui rentrât dans le cadre d’un quotidien.

Les premiers essais de Verlaine en ce genre étaient surtout des allusions autobiographiques, des allégories conjugales, des commentaires de ses démêlés avec la famille de sa femme.

La lettre suivante indique son état d’esprit à cet égard, et l’idée plutôt étrange qu’il se faisait d’un journal :


Mercredi.
Cher Ami,

Voici un essai de Jean qui pleure et de Jean qui rit. Je le crois assez général et dramatisé pour pouvoir passer.

S’il doit passer, je te recommande surtout la « vieille m… ! » [le fameux terme de Cambronne était libellé en cinq lettres]. Tu te doutes à qui ça s’adresse [à son ex-beau-père.]